« Désuétude : n. f. abandon d’une chose par le défaut de pratique ou d’application »
Comme l’oubli pour la mémoire, la désuétude est un instrument salvateur que nous avons heureusement à notre disposition. Au fil des années, avec les meilleures intentions du monde, j’ai publié des livres qui, regardés aujourd’hui, me semblent dépassés, impossibles pour certains, blessants pour certain.e.s à qui je ne pensais pas suffisamment alors. Aujourd’hui, je ne les publierais pas, ou pas comme ça, et on pourra m’en faire à juste titre le reproche.
Mais hier je n’avais pas le regard que j’ai aujourd’hui. A force de lectures, de rencontres, de disputes, nous changeons. Ce qui est fait aujourd’hui, par d’autres ou par nous-mêmes, prend la place de ce que nous avons fait hier. Rien n’est annulé, mais la désuétude en détourne les regards et c’est justice. Certaines œuvres, par leur talent, par leur grâce, triomphent de cet oubli et celles-là nous emplissent de fierté. Les autres, nous les visitons parfois dans le cimetière surpeuplé des œuvres désuètes et leur adressons une pensée honteuse ou attendrie, selon, preuves qu’elles sont de notre indispensable muabilité.